La fatalité nous a fait assister à l'un de ces mouvements, et notre pays eut subir une nouvelle invasion et une longue occupation. Jamais nos campagnes n'avaient été si belles et nos terres aussi fertiles, le fléau a été d'autant plus cruel que le bien-être, récompense de nombreuses années d'un travail opiniâtre, régnait dans toutes les demeures.
Le village de Quéant, la lutte terminée, était un amoncellement de briques, de gravats, son territoire rendu inculte par les tirs de l'artillerie. Après l'évacuation des habitants en février 1917, les allemands avaient fait sauter à la dynamite le clocher de l'église, la tour de l'ancien moulin banal, la cheminée de la fabrique de sucre qu'ils avaient utilisé pour la télégraphie sans fil, les puits et les carrefours des routes, puis ils utilisaient les matériaux des bâtiments pour leur défense avancée de la ligne Drocourt-Quéant établie au nord du village.
Comme nous l'avons dit précédemment l'église avait été rebâtie en 1901 contre l'ancien clocher; de tout son passé subsistent les statues de la Vierge, de Sainte Ursule et la pierre tombale enterrée dès 1917 et quelques ornements de valeurs envoyées par les allemands en dépôt au musée de Valenciennes.
A 500 m au nord du village avait été établie la ligne de défense de Drocourt-Quéant-Marcoing. Quéant , important pivot de cette ligne n'avait pu être pris lors de l'avance anglaise du 5 novembre 1917.
Le 2 septembre 1918 , les troupes canadiennes et anglaises ont emporté
la portion de la ligne comprise entre Dury,Villers-Cagnicourt, Cagnicourt, Riencourt
puis le village de Noreuil.
Le 3 septembre au soir, les troupes écossaises et navales du 17ème
corps commandées par le général Sir Charles Fergusson,
aidées par le corps de tanks, ont encerclé et pris Quéant
ainsi que le village de Pronville.
Les récits de journaux relatant la prise de Quéant donnèrent
sur la ligne Hindenburg à cet endroit les renseignements suivants:
La ligne, perfectionnée pendant dix-huit mois, avait par place sept systèmes
de retranchements barbelés de 100 m de profondeur chacun, derrière
les halliers ainsi formés, s'évasaient des tranchées de
six pieds de profondeur et de largeur à peu près égale,
pourvues de redoutes bétonnées en quinconce avec poste de mitrailleuses
en avant et en arrière des lignes principales, prenant en enfilade les
chemins d'attaque et pièges à tanks.
Le village, défense avancée, avait été transformé
en forteresse. Devant l'église on avait fait sauter la route à
la mine et on l'avait barrée par une muraille de briques. Partaient de
l'église des tranchées communiquant avec les caves des maisons
par des escaliers de vingt marches. Les caves avait été transformée
en abris garantis contre les plus gros projectiles est reliés par un
tunnel central de dégagement.
La gare de Quéant, située à proximité de la grande
tranchée, ne fût détruite qu'en 1918 lors du bombardement
qui a précédé l'attaque anglaise. Les allemands en avaient
fait un grand centre de ravitaillement en vivres et munitions, la voie de la
petite ligne d'intérêt local avait été modifiée
de façon à laisser passage aux grands trains transportant les
états-majors les troupes ; on a pu voir à un certain moment sur
l'un de ses trains un écriteau portant: Quéant-Constantinople.
La fin glorieuse de la guerre permit aux habitants de rentrer dans leur village:
il virent leurs demeures en ruine et leurs champs dévastés, ils
se mirent à l'oeuvre et pendant de longs mois ont logé sous la
terre ; rien ne découragea cette forte race dont les ancêtres avaient
souvent vécu dans leurs muches, laissant passer l'ennemi sans jamais
abandonner leur sol.
Après avoir exposé le dénouement du drame, nous allons dire ce que furent le village et ses habitants sous le gouvernement de nos ennemis. Lors de la marche des allemands sur Paris, seuls quelques uhlans parcoururent la région entre Arras et Cambrai. Puis à leur remontée de la bataille de la Marne, se dirigeant sur Arras, Quéant fut occupée d'une façon définitive par des colonnes de ravitaillement; enfin ce fut un lieu de repos pour les troupes du front pendant la bataille de la Somme.
La commune fut administrée par les officiers commandant les colonnes,
qui firent exécuter les ordres par le maire. Les réquisitions
furent faites avec régularité et des bons furent délivrés.
Aucun acte de violence ne fut exercé contre la population qui ne dut
que le logement aux soldats. Des gendarmes assuraient la police, de fortes amendes
ou des journées de prison furent infligées pour recel d'armes,
d'animaux, de métaux et autres, ou pour manque de politesse dans les
rues envers l'armée.