Quéant
On peut lire, dans un article intitulé La France des trésors
et des souterrains:
"Les muches de Quéant sont relativement plus. étendues que
celles d'Hermies. On y accède par un escalier à la sortie du village,
l'entrée ayant été aménagée en 1940. On y
trouve plus de cent salles taillées dans le calcaire, une place publique,
des magasins, des abreuvoirs. Les monnaies démontrent une occupation
entre 1558 et 1614. Des objets de la vie de tous les jours peuvent y être
trouvés, et, peut-être comme à Naours, un trésor."
Ces dates correspondent exactement à l'époque de la reconstruction
de l'église de Bapaume. On sait que les pierres de Quéant comme
celles de Pronville, ont été fort appréciées. Ainsi,
voyons-nous, en 1556, quatorze tailleurs de pierres, dix-huit maçons,
trois paveurs et vingt-trois manœuvres s'empresser tout l'été,
de nombreux voituriers amener les voitures de pierres de Pronville ou Quéant.
Que dire du plan de cet ouvrage, levé après la dernière
guerre semble-t-il? Il ne correspond à aucune réalité.
Il laisse supposer un souterrain-refuge, taillé dans la roche avec une
régularité parfaite. A moins que les parois originelles aient
été revêtues d'une maçonnerie, comme cela existe
en divers autres endroits? A moins encore qu'il s'agisse d'un second ouvrage,
qui n'éveille cependant aucun souvenir . Certains détails ne militent
d'ailleurs pas pour cette hypothèse.
Ce plan ne reflète aucunement ce qui m'a été permis de visiter grâce au concours de l'ancien propriétaire des lieux, et à l'autorisation de l'actuel. Je les en remercie encore.
Deux accès existent dans la grand-rue. Le premier est bouché au bout d'une vingtaine de mètres en raison de l'effondrement de la voûte. Le second est obturé par un mur, pour des raisons évidentes de sécurité. Nous avons dû démolir partiellement ce mur pour pouvoir pénétrer dans une galerie en plan incliné, revêtue tout d'abord d'une coque en béton et taillée dans la roche ensuite. Au pied de la rampe, un escalier maçonné en briques est encore praticable.
La première impression est que l'on se trouve, non pas dans un souterrain-refuge, mais dans une carrière souterraine. Les piliers sont irrégu-lièrement taillés, les remblais obstruent de nombreuses galeries. Du terreau, au sol, atteste que l'on s'est essayé à quelque culture, et, en effet, l'ancien proprié-taire, monsieur Reversé, me confirma ses tentatives pour cultiver des champi-gnons. Il s'est vu contraint d'abandonner, en raison de l'humidité excessive. Il est vrai que, sur les parois des galeries, on distingue nettement la trace laissée par l'eau lors de la remontée de la nappe phréatique, à 1,50 mètre au-dessus du niveau du sol des galeries. (En février 1988, celles-ci étaient d'ailleurs noyées.)
En m'enfonçant dans l'ouvrage, je conclus rapidement en la nécessité de suivre un fil conducteur. Car il y a là un véritable labyrinthe, vaste et peu structuré, dans lequel je craignais de me perdre. Heureusement, j'aperçus un câble électrique, vestige d'une ancienne installation, datant vraisemblablement de 1944, alors que l'ouvrage servait d'abri.
En suivant ce câble, je découvris un aménagement qui, sans aucun doute, a permis, en des temps reculés, d'utiliser les galeries comme refuge, pour les animaux au moins, pour la population peut-être. Plusieurs auges et mangeoires sont taillées à même le massif et dans les piliers. Des chambres ont été délimi-tées en élevant des murs de moellons et des remblais. Ces cellules sont plus ou moins vastes, de 10 à 100 mètres carrés de superficie. On se croirait, à s'y méprendre, à Rumilly-en-Cambrésis. Et pourtant, à Quéant, point de décharge de détritus. Cela pourrait signifier que l'ouvrage n'a que peu servi d'abri. A moins que l'on n'y cherchât refuge que pour des durées limitées, à l'inverse de Rumilly où les séjours ont manifestement été prolongés.
On remarquera encore le bon état de conservation de l'ouvrage.